Regarde, les cailloux ont des yeux

 
Il était une fois… Un conte musical 

 
Tout commence un vendredi 13…. septembre à Lentilly, dans une petite commune située à 15km au nord-ouest de Lyon, plus précisément dans les locaux du centre culturel de La Passerelle, où deux étudiants se préparent à une rencontre…
Mais avant de vous parler de cette rencontre, revenons un peu en arrière…
Présentons d’abord les acteurs de cette histoire : Julien Balivet et Marie-julie Dutreix, étudiants au Cefedem AuRA. Maryline, Amandine et Claire institutrices à L’école le Pré Berger de Lentilly, 25 élèves de CP et 5 élèves en classe ULIS (mettre un lien?)
Juin 2019, Marie-julie rencontre Maryline et Amandine dans une classe vide après que les parents aient récupéré leurs enfants. Marie-julie venait de terminer ses heures de cours de Violoncelle à La Passerelle, située à 3 min à pieds de l’école. C’est sur les conseils de Claire, son élève en violoncelle et collègue de Maryline et Amandine, qu’elle rencontre seule les deux institutrices. 
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Médiathèque de Lentilly “le lieu du crime” copyright © https://www.mairie-lentilly.fr/mediatheque/
 

La création 


Pour lancer le projet, nous avons convenu ensemble du nombre de séances et du calendrier. Sur ce point les institutrices s’inquiétaient de la période de septembre, car elles avaient peur de ne pas assez bien connaître les enfants. Nous allions commencer à la fin du mois de septembre et prévoir 7 séances de 1h30. Le projet proposé aux institutrices était : « Le conte musical sur le thème d’Halloween ». Les enfants devraient apprendre deux chants, chanter avec une bande sonore, jouer la comédie, faire des costumes, enregistrer des sons… et tout ça en six séances … pas une de plus car nous devions fixer une date de concert et réserver la salle de spectacle à la mairie.

Mais pourquoi ne pas avoir fait participer les enfants à la création, et à l’écriture de l’histoire me diriez-vous ? Eh bien pour un simple souci de « contrainte ». Ecrire préalablement l’histoire ainsi que la mise en scène nous permettait de concentrer nos séances sur l’apprentissage des chants, du travail de la voix, de l’écoute, du rythme avec les percussions corporelles, et nous offrait également la possibilité de faire une séance découverte autour des micros et de l’enregistrement.

Un autre un atout aussi, ce lui de connaître la salle de spectacle, et donc la possibilité d’anticiper l’espace / la mise en scène / les lumières / le matériel / et surtout la possibilité d’avoir une aide du régisseur de la salle lors de la représentation. 

 
Le point administratif, ou comment fait-on un projet avec l’Education Nationale ?

 
Chers amis lecteurs, si l’envie de faire un projet avec l’Education Nationale vous venait à l'esprit voici quelques conseils (et astuces ?)  “parce que proposer un projet c’est  aussi être en phase avec le référentiel du parcours d'éducation artistique et culturelle défini par l'Education nationale. Ce parcours s' inscrit dans le projet global de formation de l'élève défini par le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et opérationnalisé par les programmes de cycle.
 
1.   Remplir des formulaires tu devras (Ah les joies de l’administration...)

2.   Prendre connaissance du guide pédagogique il faudra

3.   Etre capable d’imaginer la progression des élèves tu devras

4.   Créer un tableau des compétences visées tu feras 

5.   Prendre patience il faudra (Surtout si tu organises cela pendant l’été comme nous… tout le monde à le droit à ses vacances… et les réponses sont donc encore plus lentes à parvenir…) 

6.   Remplir encore des papiers tu devras 
La fameuse fiche ministérielle qui s'intitule “organisation d'activités dans les écoles maternelles et élémentaires impliquant des musiciens intervenant extérieur” implique de fournir beaucoup d’informations : Qui ? Quel public ? Où ? Quand ? Comment ? Les objectifs ? Les moyens ? Les étapes ? Le rôle et la place de l’enseignant ? La tâche des intervenants ? Les modalités d’évaluation ...) 

7.   Tout envoyer au recteur d’académie de la circonscription concernée, et libéré tu seras (ou presque, car il peut refuser des projets si ça ne lui plait pas ... )


La rencontre, l'organisation, les ateliers et leurs enjeux

 - La rencontre : Nous re-voilà au début de cette histoire, les deux étudiants prêts à rencontrer la trentaine d’élèves.

Des présentations rapides laissent place à un jeu, celui des prénoms : former un cercle avec les élèves, les intervenants, les AVS, les maîtresses puis taper dans ses mains pour énoncer son prénom retaper en énonçant le prénom de quelqu’un d’autre. Ce petit jeu permet ainsi de “faire connaissance, de créer un lien” et surtout de “mémoriser” les prénoms plus rapidement !

Mais “Qu’est ce qu’on va faire avec vous ?” Les deux étudiants ont pris le temps d’expliquer aux enfants le projet, celui d’un conte musical sur le thème d’Halloween. Afin de susciter leur envie, Marie-julie fait une lecture théâtralisée afin de capter toute l'attention des enfants. Bingo ! Pour les enfants, s’imaginer en fantômes pour faire peur aux parents le soir du spectacle les excitait ! Mais ce n'est pas tout, une boîte blanche en forme de grosse guitare derrière les intervenants les intriguait beaucoup aussi… Les étudiants ont donc fini cette première séance avec une présentation du violoncelle, ce qui a tout de suite permis de créer un lien musical entre les enfants et les intervenants.

- L'organisation : Très vite les étudiants décident de séparer la classe en deux, afin de faire plus de choses, moins longues et d’aller “plus vite”. Mais un problème que les étudiants n’avaient pas du tout anticipé, c’est que l’école n’a accès qu'à une seule salle de la Passerelle. Mais en accord avec la direction de l’école de musique de la Passerelle (employeur de l’une des étudiants), nous avons eu accès quelquefois à une autre salle. Lorsque cela n’était pas possible, Julien se retrouvait malheureusement dans le couloir ou même le hall d’entrée…
 
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“Quand tu n’as plus de salle et que le couloir devient ton lieu de cours” © Julien Balivet
 
 

Les ateliers et leurs enjeux :

“Boum boum dans les oreilles !” : L’expérimentation autour des micros et de l’enregistrement.
Cet atelier a permis aux enfants (et même aux adultes) d’entendre leur voix enregistrée ! Mais également d’apprendre à parler dans un micro (en prévision du spectacle). Les élèves enregistrent avec Julien des “bruitages à la voix” (imitation du vent, des rires de sorcières etc…) et utilisent des bâtons de pluie pour les bruitages du conte. Ce fut pour les enfants l'occasion d’explorer et d'utiliser leur voix tout en offrant des possibilités de création avec l’enregistrement.
 
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Préparation de l’atelier découverte de l’enregistrement et des micros par Julien © Marie-julie Dutreix
 
 

“Avoir le rythme dans la peau !” : Atelier sur les percussions corporelles.
Avec Julien, par groupe, les enfants ont joué ensemble en expérimentant les sons de leurs mains, jambes et pieds à travers des petits jeux de questions/réponses, mais aussi par imitation, en utilisant des onomatopées. Les enfants ont pu ainsi apprendre une petite formule rythmique et chorégraphiée pour le conte musical.

“Être ou ne pas être, là est la question” : Atelier théâtre.
Les enfants acteurs choisis par les institutrices pour jouer les petits dialogues du conte musical ont répété avec Julien pour développer la gestuelle mais surtout la diction du texte. Ce petit atelier a permis aux enfants de surpasser une forme de timidité en étant en confiance avec les intervenants. Ce travail fut (heureusement) relayé par les institutrices en classe. Notons qu'un des enfants de la classe ULIS a demandé à jouer, et a été de toute évidence le meilleur acteur de la soirée !

“J’ai un petit chaaaat la la la la laaaa” : Atelier chant choral.
Parfois en classe entière et parfois en demi-classe, les élèves ont pu, avec Marie-Julie, échauffer leurs cordes vocales. Chaque semaine, une nouvelle phrase (dans le thème d’Halloween) venait égayer les vocalises, le tout accompagné par le piano.
Dès la deuxième séances, l’apprentissage des chansons pour le conte était lancé. La première Marie miam miam a demandé beaucoup de travail de mémorisation pour les paroles. La seconde, La sorcière Grabouilla, était beaucoup plus simple mais pas évidente à placer rythmiquement à cause du refrain où les enfants avaient envie d'accélérer ! Pour le spectacle, la première chanson fut accompagnée d’une bande sonore (CD), mais la deuxième chanson fut conflictuelle entre les intervenants et les institutrices. En effet, les étudiants n’avaient que la chanson avec paroles en CD, et les enseignantes avaient fait travailler les enfants en classe sans le support musical, et souhaitaient le faire à Capella pour le concert. La solution trouvée fut que Marie-julie les accompagnerait à la guitare afin de garder une pulsation commune.
 
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“échauffement du corps” par julien © Marie-Julie Dutreix
 


“Moi, je sais lire” : Atelier lecture.
Nous avons voulu faire lire les enfants, car c’est en classe CP que l'on commence à lire et il nous semblait important d'inclure cette action au conte. Ainsi, 4 enfants lecteurs ainsi qu’une des deux institutrices ont narré le conte tout au long du spectacle. Par manque de temps, cet atelier s’est principalement fait en classe avec les institutrices.


“Regarde, les cailloux ont des yeux” : Atelier méditation et concentration.
Le dernier atelier de chaque séance, et complétement improvisé, a été le plus incroyable pour les étudiants. Mettre les enfants en position de “cailloux” a permis à un élève très introverti de la classe ULIS de s’ouvrir et de partager un moment avec le groupe. Cet enfant demandait à “faire les cailloux” à chaque fin de séance, nous avons donc choisi de l’écouter et ce temps reposait tout le monde. Il était en charge de réveiller calmement les “cailloux” en posant sa main sur le dos des enfants. Ce moment de silence après l'excitation permettait également aux intervenants de rappeler ce qui avait été fait pendant la séance et ce qu’il fallait améliorer. Les séances se terminaient dans le calme en classe entière.
Nous avons essayé de diversifier les ateliers en séparant chaque séance en deux, permettant ainsi aux enfants d’avoir une attention de meilleure qualité que si nous avions fait de longues séances sur un seul atelier.
L’attention et la gestion de ces deux publics ont été un véritable enjeu pour nous qui n'avions jamais été confrontés ni à une classe de 30 élèves, ni à des jeunes enfants en situation de handicap.
Nous avons également essayé d’apporter avec nos connaissances et nos compétences des notions et des aspects musicaux comme le chant choral, les jeux rythmiques, la présence scénique…


Le spectacle (la panique générale)

Le Rdv était fixé à 14h pour une après-midi de répétition avant le spectacle à 19H30. Sans (trop) fatiguer les enfants, le filage du spectacle s’est fait deux fois avec plus ou moins de réussite… Le régisseur (arrivé 1h avant la fin de la répétition) était aux commandes au fond de la salle pour les lumières, Julien dans un coin de scène caché par le décor s’occupait des musiques et effets sonores, les institutrices avaient pris place aux côtés des enfants lecteurs et du reste des élèves sur scène. Marie-Julie au centre essayait de connecter tout le monde… Un dernier briefing et go ! Tout était prêt pour le soir !

Mais SURPRISE ! Une des élèves qui avait un rôle important n’est pas (re)venue pour le spectacle … Au dernier instant il a fallu rebondir et trouver un enfant lecteur (je rappelle qu’ils sont en CP… la panique générale !)

Et noir dans la salle, ça commence ! CHUUUUUT !
20 min après, finalement tout s’est bien passé malgré les pleurs des petits frères et soeurs qui avaient peur des fantômes. Les parents, venus nombreux, étaient très heureux, et ont remercié les deux étudiants (épuisés).
 
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Représentation finale © Marie-Julie Dutreix

 
F   I   N



On dépose le bilan !

    Cette expérience artistique que nous avons menée grâce au dispositif proposé par le Cefedem AuRA était également l’occasion d’inventer et d’expérimenter un format d’action culturelle, une posture dont nous avions aucune expérience, ni connaissance. Nous y avons trouvé plusieurs enjeux intéressants, notamment liés à l’aspect relationnel entre les intervenants et les enseignants d’une part mais aussi, entre les intervenants et des enfants jeunes, et des enfants en situation de handicap. Ce spectacle était l’occasion de se retrouver tous ensemble pour vivre un moment musical.

Ce qui nous a semblé important dans la façon de faire avec ce type d’intervention, c’est que les enfants puissent expérimenter et pratiquer la musique et même le théâtre sans avoir de notions ou un vocabulaire préalables. Il est difficile de dire exactement ce que cette action a pu “apprendre” aux enfants, mais il nous semble évident qu’ils ont d’une certaine façon travailler des notions tel que la mémorisation, le rythme, le chant, le jeu, la concentration. Nous avons pu observer lors de la représentation finale, une attention différente et une participation inattendue de certains élèves autistes qui n’avaient pas chanté lors des séances en groupe.

“Etes-vous dumistes ?” Voici une question qu’il a fallu préciser lors de notre entretien avec les maîtresses. Effectivement, le projet que nous proposions aurait pu être amené par une personne dumiste, cependant nous ne le sommes pas. Nous avons fait cette rencontre sur une courte période, là où un intervenant dumiste interviendra toute l’année, de façon régulière, et en lien et en action avec les instituteurs de l’école. De plus, là ou un dumiste abordera des notions musicales plus poussées, nous avons seulement fait une sorte d’initiation avec les enfants.

Nous remercions les institutrices et le directeur qui nous ont accueillis à L'École du Pré Berger de Lentilly, mais également Philippe et Noémi pour l’aide qu’ils nous ont apportée tout au long de cette action EAMC et pour l’écriture de ce billet de blog. 

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