Seconde journée

Les apports potentiels de l'animation-jeu à l'enseignement de la musique - SOMMAIRE


Nous avons présenté dans cette page différentes problématiques abordées lors de notre seconde journée de rencontre/formation à la maison des jeux de Grenoble, animée par Claude Carrara (co-fondateur).  

Maison_des_jeux_2Maison_des_jeux_2

  Rappelons que le but de cet échange est de tenter de voir comment le jeu peut motiver la soif d’apprendre de nos apprentis musiciens. Le programme détaillé du second temps de travail a été le suivant : 

Sommaire

1. Analyse de la structure d'un jeu Application: comment expliquer un jeu de règles à un groupe conséquent

2. Différents type de jeux en fonction des situations jeu libre jeu contraint jeu pédagogique

3. Adapter le contenu/l'offre au public Exemple des jeux d’adresse Offre musicale, contenu Prise en compte du public

4. Musique et "travail" autonome Comparaison avec le jonglage Comparaison avec les sports

      1. Analyse de la structure d'un jeu Comprendre la structure d'un jeu permet l’adaptation de celui-ci au contexte dans lequel il est proposé. Quelque soit le jeu étudié, on peut observer tout ou partie des éléments suivants:

  • des règles
  • un but
  • des stratégies
  • des partenaires/adversaires
  • du matériel

Afin de mieux distinguer les éléments formels du jeu, Claude nous a proposé le tableau suivant:

jeux support acteurs moteurs
sortilèges Quadrillage 6*8 + 2 cases pions/sorts déplacements d'une case + 1 sort
awalé 12 trous / 2 rangées graines semer une graine par trou à partir d'un trou non vide
belote table/tapis cartes poser une carte
pétanque terrain boules lancer une boule
...      

Il s'agit de bien distinguer le forme et le fond. Une fois la forme isolée, on peut l'adapter au public, en gardant le fond. Ici, les "supports" et les "acteurs" fond partie de la forme du jeu, et peuvent modifiés, adaptés pour rendre le jeu plus accessible aux participants selon leurs profils. Par exemple ou peut jouer à Sortilèges avec un plateau plus petit, à l'Awalé avec moins de trous, jouer à la Pétanque avec des boules en plastique, ...   Tentons d'appliquer cette grille au cas de la musique:

jeux support acteurs moteurs
musique espace temps instruments émettre un son/réagir à un son
musique salle de concert public, sons organiser/assembler les sons, émouvoir le public
fugue temporalité motifs mélodiques, voix présenter les motifs par entrées successives aux différentes voix
circle songs espace pour se mettre en cercle chanteur-euse-s faire répéter des propositions sonores et les assembler
telephone arabe espace pour se mettre en cercle instruments, voix, corps... par imitation, faire faire le tour du cercle à des propositions rythmiques ou mélodiques
jouer d'un instrument corps résonant, corps vibrant : l’instrument corps excitant: doigts, mains, bouche, baguettes, plectres, archets, ... émettre un son, réagir à un son, lire une partition

---->voir aussi notre article sur la structure des jeux

  • Application: comment expliquer un jeu de règles à un groupe conséquent

Parfois, la taille du groupe est telle qu'il n'est pas possible de détailler des règles différentes à différents sous groupes. Claude nous a proposé une activité possible en groupe entier dans cette situation. Il illustre cette façon de faire à partir du jeu « sortilèges » (plateau, règles du jeu). Le fait d'avoir analysé la structure de ce jeu permet d'en adapter la forme sans en perdre le fond. Pour jouer avec un grand groupe, on commence par diviser le grand groupe en deux sous groupes, une équipe pour les sorcières et une pour les sorciers. L'animateur fait lui même bouger les pions sur un plateau dessiné au tableau. Après une première partie en équipe, on peut diviser le grand groupe en autant de groupes de 2. Remarque: L'exemple du jeu "sortilèges" intéressant parce qu'il peut peut être adapté à tout âge. Par exemple, on favorisera la concentration des plus petits, en racontant une histoire. Idée, intérêt : même avec un jeu assez complexe, on peut imaginer un apprentissage des règles en groupe. Pour ce qui est de la musique, l'intérêt de cet exercice d'explications est facilement transposable, et l'on voit comment il est possible de démarrer une activité musicale avec un grand nombre de participants, pourquoi pas en n'utilisant pas d'emblée les instruments, pour ensuite passer à des groupes plus restreints, chacun ayant intégré les "règles du jeu". Limites, à anticiper : jouer à "sortilèges" au tableau, cela fonctionne en classe, mais pas en centre de loisirs. En effet, l'état d'esprit dans lequel les participants se trouvent est important.. à quoi s'attendent-ils ? Dans le cas d'une activité en classe, les élèves s'attendent à trouver un tableau noir, et à ce que le professeur (ici l'animateur) l'utilise pour distribuer des informations. Au contraire, dans le cas du centre de loisirs, la présence du tableau rappelle l'école, alors que les participants sont venus dans ce lieu différent notamment en se projetant dans un lieu sans tableau. Il s'agit donc de prendre en compte « l'inconscient collectif du lieu ».

***

2. Différents type de jeux en fonction des situations

  • Jeu libre (spontané) : jouer à, se divertir connaissance de soi et acquisition de compétences sociales. musique: familiarisation avec un (des) instrument(s), interactions, ... formation d'un groupe en dehors de toute structure, entre amis par exemple

 

  • Jeu contraint (cadré): apprendre à jouer éducation populaire, exemple de la maison des jeux musique: accompagnement de groupes, pratique orchestrale, "atelier impro" de l'école, ...

 

  • Jeu pédagogique : ruse pédagogique, on utilise un habillage ludique pour générer un apprentissage. on retrouve souvent cette forme de jeu à l'école (y compris de musique)

https://www.youtube.com/watch?v=rf_jG15ZL_4   Le jeu de la musique peut se situer  dans les trois catégories selon les représentations de chacun (élève, professeur, parent d'élève) et selon la structure pédagogique. Claude Carrara nous fait remarquer que lorsque l'on propose à l'apprenant une transmission pure et simple de savoirs (l'élève écoute ce que le professeur lui apprend), son attitude est passive face à l'enseignement. L'attitude ludique au contraire, nécessite que l'élève soit actif. Comment donc pouvons nous faire en sorte de conserver cette attitude ludique? 3 variables peuvent influencer le passage d'un type de jeu à un autre:

  • le contexte : lieu dans lequel se déroule l'activité, mais aussi objectifs pédagogiques et politiques élaborés en relation avec (ou commandés par) la structure, la communauté, les financeurs...
  • le public : motivations du participant, de l'apprenant (voir ici le cas d'un élève d'école de musique)
  • les postures de l'animateur : comment il se positionne, à quel point il "laisse faire" ou est directif

---> un article intéressant sur ruse pédagogique, et éducation informelle : Gilles Brougère, Jeu et loisir comme espaces d'apprentissages informels

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3. Adapter le contenu/l'offre au public

  • Exemple des jeux d’adresse

Claude Carrara nous a proposé de nous pencher sur le cas des jeux d'adresse, car il lui semblait qu'il y avait des points communs avec l'apprentissage de la musique. Pour s'intéresser à un jeu d'adresse, il faut un minimum de maitrise pour accrocher, pour éprouver du plaisir. Il faut que cette adresse minimum soit à la portée du joueur. Lors de séances de découvertes à la maison des jeux, ou hors les murs, l'installation des jeux dans l'espace se fait en fonction de cette accessibilité. Les animateurs commencent par des jeux tout public type Weykick, dont on sait qu'ils génèrent facilement de l'intérêt, un temps d'accroche conséquent en particulier auprès des publics non sensibilisés au monde des jeux. Puis, on propose des jeux nécessitant une implication de plus en plus importante, un temps de jeu de plus en plus important, des règles de plus en plus compliquées. Nous avons eu l'occasion d'expérimenter différents jeux d'adresse. On se rend très vite compte que notre intérêt pour l'activité est étroitement liée au fait que celle ci nous soit adaptée. Si le jeu est facile d'accès, procure du plaisir et de la joie, que l'on s'amuse, alors on s'accroche, on continue à jouer. A titre d'exemple le Weykick nous captive immédiatement. Au contraire, la manipulation du Carron est plus difficile, nous nous désintéressons beaucoup plus vite. Si au contraire nous étions plus familiers des différents jeux d'adresse de la maison des jeux, nous pourrions aller directement vers le Carrom et y passer plus de temps.

  • Offre musicale, contenu :

Quelles sont les envies du participant, que pense-t-il faire pendant ce temps de pratique musicale, que s'attend-il à trouver, quelle familiarité a-t-il avec le lieu dans lequel se déroule la séance et avec la musique en général? Autant de questions qui nécessitent de s'adapter, en tout cas dans un premier temps, aux attendus du nouveau venu, de l'élève. Au contraire, lui imposer page après page les morceaux proposés par une méthode (ou ceux que l'on a l'habitude de proposer par habitude) serait faire abstraction des envies du participant, et il ne faudra pas s'étonner du manque de "travail à la maison". Si le contenu musical n'est pas en accord avec les attentes du participant, comment pourrait-il avoir envie de réaliser ce projet, de réussir à interpréter la pièce proposée? Le sujet des attentes du participant est complexe. Dans le cas de l'enseignement de la musique, il est extrêmement rare de voir un nouvel inscrit arriver et dire: "je viens parce que j'aime telle ou telle musique, et je veux la jouer." Le pédagogue devra alors tenter de cibler le contexte de sa venue, et d'adapter l'offre musicale.

  •  Prise en compte du public

Claude Carrara nous a proposé de réfléchir à cette problématique à partir des outils que lui même utilise à la maison des jeux. Le premier point que nous avons étudié est l'adaptation du jeu à l'âge du participant. Le second point est l'analyse des motivations du participant.

Système ESAR : classification de jeux selon les stades de développement de l'enfant.ESAR : exercice, symbolique, assemblage, règle. Voir les stades de développement de l'enfant ici.

Analyse des motivations du participant ?

Ici, il s'agissait de prendre le temps de se demander et d'observer les motivations probables d'un élève-musicien. Nous avons commencé par réaliser que dans notre cas, il était fréquent que le public n'ait pas lui même choisi de pratiquer la musique, notamment dans le cas des enfants, et nous avons proposé le tableau suivant:

motivations du publicmotivations des parents Dans le cadre du jeu, la motivation est directement liée à notion de décision.

***

4. Musique et "travail" autonome/jeu en autonomie

Pour l'enseignant musicien, une façon de percevoir la motivation de son élève est souvent de "vérifier" si celui-ci "travaille à la maison". Mais posons nous la question sous un autre angle. Pourquoi le ferait-il?? Qu'est-ce qui pourrait pousser cet élève à pratiquer en dehors des temps de cours?? Est-ce qu'on "travaille" notre instrument pour alimenter nos egos ? Pour satisfaire notre enseignant? Pour être meilleur que les autres ? Si on a pas ça, pourquoi le ferait-on ? Pour tenter de répondre à cette question, Claude Carrara nous a proposé de comparer l'apprentissage d'un instrument de musique avec d'autres disciplines.

  • Comparaison avec le jonglage

A ce stade de la rencontre, nous avons tiré un parallèle entre les arts du cirque (jonglerie) et la musique. Comme la musique, la jonglerie nécessite de l'entrainement pour réaliser des figures satisfaisantes, et le jongleur se prend au jeu de cet entrainement nécessaire.

jouer à un jeu jouer de la musique jouer à jongler
plaisir de la manipulation plaisir de la manipulation plaisir de la manipulation
plaisir de la partie plaisir du résultat plaisir du résultat
plaisir de gagner    

On voit que le plaisir du geste, de la manipulation de l'objet, et la beauté du résultat (plaisir du résultat) sont communes au monde du jonglage et au monde musical... en tout cas sur le papier. Dans le cas de la musique, le plaisir de la manipulation correspond à celui qu'on a en maniant l'instrument,  ... Le plaisir du résultat serait celui éprouvé à la suite par les sons produits. ---> voir notre article Le plaisir ludique ? Qu'entend-on par là ?

  • Comparaison avec les sports

On considère qu'un sport n'est plus un jeu à partir du moment ou les règles sont normées et où l'on organise de compétitions (maison des jeux). Au contraire, pour les "Jeux traditionnels sportifs", il n'existe pas de fédération unifiant les règles partout, pas d'homologation, .... Il existe des variantes selon les régions dans lesquels le jeu en question est pratiqué. Par exemple "le bowling est le bowling, alors qu'il existe des centaines de jeux de quilles différents"1. Les normes qui mènent du jeu de quille au bowling sont instaurées pour que les participants puissent se comparer, et à terme, que l'on puisse savoir d'un manière objective... qui est le meilleur. On voit bien que dès lors, la compétition, les enjeux, la notoriété, ... modifient la pratique. On ne joue plus, mais on s'entraine. Même si on continue à "jouer au football". En plus du fait que dans le sport comme dans la musique, il faut que l'adresse croisse pour que l'intérêt du jeu augmente, les participants « s'entrainent » pour les compétitions, comme les élèves musiciens pour les examens ou les concerts. Il est alors intéressant de se demander si la musique est pratiquée/enseignée comme un jeu traditionnel sportif ou comme un sport.. Les différences énoncées ci dessus montrant bien comment la pratique est profondément modifiée. Si l'on s'inscrit dans le cadre d'un cursus traditionnel en conservatoire, il y a fort à parier que la musique devienne un sport. Au contraire, si c'est le développement personnel qui nous motive, on peut rester dans le cadre du jeu. En lien avec ces réflexions, une citation de B. Lahire   Conclusion de la rencontre: Pour conclure cette journée, nous avons abordé quelques outils conceptuels pour la construction d’un projet éducatif à partir de l’exemple d'un projet mené pour la ville de Grenoble : • définition des intentions éducatives (en musique, pourquoi apprend t on la musique?) du plus global au plus précis: ◦ les finalités (par exemple, l’autonomie) ◦ les objectifs généraux (par ex, une compétence à évaluer) ◦ les objectifs operationnels (par ex, les actions à mener pour y arriver) • regard sur le « triangle pédagogique » : posture de l’éducateur – ­ contenu proposé – aménagement de l’espace • Mise en place d’une grille d’évaluation et d’analyse de la pratique (les critères qui permettent d’évaluer non pas seulement l’élève, mais le projet d ‘enseignement) Nous ne développerons pas ces points qui nous éloignent du sujet de base de cette publication, mais nous ne voulions pas passer ce moment sous silence, car il est en quelque sorte l'aboutissement de notre rencontre.


Les apports potentiels de l'animation-jeu à l'enseignement de la musique - SOMMAIRE


1. Claude Carrara, lors de l'une de nos journées de rencontre.

   

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