Photo de "L'arbre des petits papiers”. Il regroupe tous les mots écrits en début de séance en bas, et ceux des fins de séances en haut des branches, symbole de la progression de comment on se sent au fur et à mesure de l’action. Il a été initié par les patients et reste affiché à ce jour dans la structure.

Changer le regard qu’on porte sur soi et les autres. Un dispositif de création collective dans un service psychiatrique.

Étudiantes en deuxième année au CEFEDEM, nous avons mené une action de médiation dans un service de soin psychiatrique. Nous avons tenté de retracer la chronologie de la création de ce projet, de la rencontre de l’équipe soignante à celle des patients. Bien que l’objet de cette rencontre soit la musique, nous nous sommes interrogées tout au long de ces deux mois du positionnement à avoir, être artiste-médiateur, où doit-on se mettre ? C’est bien cette question qui nous a mises en mouvement et qui nourrit encore nos réflexions aujourd’hui. 

I) La création collective : un dispositif fédérateur et révélateur de soi et des autres. 
 

  • La rencontre avec l’hôpital psychiatrique de Gerland, la co-construction d’un projet.
En groupe de trois étudiantes, nous avons proposé une action de médiation en lien avec les équipes et les patients du service psychiatrique de l’hôpital de jour de Gerland. Il s’agit d’une antenne de l’hôpital psychiatrique du centre hospitalier Saint Jean de Dieu qui accueille en journée des personnes en souffrance psychique. Nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer l’ensemble de l’équipe composée d’un psychiatre, d’une psychologue et d'infirmiers en amont, ce qui nous a permis de réfléchir ensemble au type d’action qu’il serait adapté de proposer aux patients.
Après plusieurs rencontres avec les professionnels, nous nous sommes tournées vers un dispositif de création d’un enregistrement à l’aide d’un looper, une boîte électronique qui répète tout ce qui est dit dans le micro permettant ainsi de créer des “boucles”. En effet, comme nous jouions d'instruments peu prêtables et difficilement déplaçables, nous avons choisi d’amener un autre objet qui puisse faire office de média. De plus, nous avons commencé ce projet avec l’envie de leur faire créer quelque chose, un moment de musique qui serait à eux, le looper permettant de faire rentrer un maximum de personnes dans un processus de création sans préalable musical. 
 
  • Créer collectivement, faire évoluer le regard du groupe sur lui-même.
Au fil des séances, le micro passait de mains et mains, et nous pouvions entendre la contribution de chaque personne qui se rajoutait et se répétait jusqu’à l’arrêt de la machine. Des thèmes, comme “la mer”, “la forêt”, structuraient ces improvisations vocales et nous pouvions voir la surprise, ou parfois, la gêne, des tous.tes en découvrant sa voix sortir de l’ampli. Une personne qui restait quasiment muette si nous ne la sollicitions pas, s’est mise à chanter avec une telle voix qu’elle nous impressionna tous.
Nous pourrions écrire que nous savions parfaitement installer le matériel, enregistrer les essais et proposer de nouveaux effets sur les machines. Mais il n’en était rien. La vérité est que nous tâtonnions de séances en séances sans vraiment maîtriser en amont ni les techniques, ni les dispositifs de créations collectives. Un jour, en nous trompant de piste d’enregistrement, les patients ont entendu un titre de percussions et un d’eux s’est exclamé “c’est sûr que ce n’est pas nous qui l’avons fait, c’est bien trop en rythme!”. Dès la semaine suivante, nous leur avons proposé la technique “O Passo!” avec toute une gestuelle avec les pieds qui permet de placer le “1, 2, 3 et 4…” en dansant. Il s'agit d’une méthode d’apprentissage des rythmes inventée au Brésil par Lucas Ciavatta qui se base sur des chorégraphies. Les relations au sein du groupe ont commencé à bouger, doucement, les soignants, les patients, nous-même parfois, nous trompions dans les pas et les percussions que nous avions ajoutées au fur et à mesure. Chacun devait mettre le bon rythme sur le temps pour que ça marche, et nous nous y attelions avec une concentration assez impressionnante. Nous répétions pendant deux heures chaque semaine jusqu'à ce qu'ils soient eux-mêmes satisfaits du résultat. 
Après l’enregistrement de la bande rythmique, nous leur avons proposé d’écrire chacun.e un texte. Ils se sont mis à la table, ont fait des cadavres exquis à notre plus grande surprise et des textes collectifs, avec toute leur singularité et leur incohérence, sont venus compléter le morceau. En ronde, nous étions tous responsable d’une phrase à dire, “avec le ton !” comme on dit souvent. Nous réfléchissions ensemble au morceau qui était en train de se créer, certains ont proposé des refrains chantés en onomatopées, d’autres ont voulu changer la structure et les nuances. Au fil de la concrétisation de ce projet, le groupe prenait conscience de lui-même, et chacun apprenait à changer son regard sur lui, sur les autres, à rire aussi. Enfin, les répétitions étaient devenues légères. 
 
  • Comment penser la fin d’un projet ?
Lors de la séance finale, nous avons enregistré une fois le morceau. Nous leur avons proposé de le refaire, mais “non, c’est très bien comme ça”. Oui, c’était ce qu’ils avaient décidé de faire. Lors du rendu final de l’action, nous nous sommes demandé comment terminer un projet. Sous quelle forme ? 
Pour celui-ci nous avons réuni les patients et les soignants lors du repas de midi afin qu’ils puissent proposer aux autres de venir voir la restitution. Ils ont présenté ce que nous avions fait durant ces huit séances ensemble, ensuite nous avons écouté l’enregistrement, il y a eu quelques commentaires, des remerciements. 
Et voilà le résultat ! 

Essai

Lors du bilan final, tous ont dit la joie et la fierté d’apporter une pierre à cet édifice collectif. Il est aussi ressorti que cela faisait du “bien” d’être libre, que nous avions gagné une qualité de relation et de confiance qui permettait à beaucoup de se sentir en sécurité. En effet, nous commencions toujours par des petits rituels pour se demander “comment ça va aujourd’hui ?” et à faire le calme en soi avec des exercices de méditation, ce qui a sûrement dû jouer dans la qualité d’écoute que nous avions réussi à créer tous ensemble. De même, le dispositif était resté ouvert très longtemps, nous laissant vraiment de la place, de l’espace pour quelque chose que nous ne connaissions pas.
En réalité, nous n’avions pas anticipé cette dernière séance, ni ce moment un peu touchant où nous avons réalisé ensemble que “c’était la der des der” des séances. Nous nous sommes retrouvés un peu bêtes. Nous avons senti de la part des patients un sentiment sincère et agréable ; et ce fut pour nous assez touchant et presque triste de partir comme ça, de se dire au revoir après ces deux mois à se voir régulièrement. Nous avions créé un lieu de partage avec des habitudes, tous les mardis, et cela touchait à sa fin. Nous constations avec surprise que cette fin de projet nous paraissait un peu bâclée et nous sommes questionnées sur la manière de terminer un projet.
Si c’était à refaire, nous aimerions sûrement anticiper cette fin, pour la peaufiner. En effet, la manière dont on termine une action peut être vue comme un symbole de cette médiation, comme quand on regarde plus tard une photo prise lors d’un voyage de vacances. On a envie de sourir sur cette photo, et qu’il y ait toutes les personnes qu’on a pu rencontrer, qu’on soit heureux sur ce cliché comme on a été heureux de ces moments passés ensemble. Peut-être que nous n’avions pas pris conscience de l'importance de comment on dit au revoir. 
Nous avons bricolé cette fin en proposant la semaine précédente de montrer le titre aux autres patients présents le mardi. Mais partir comme ça après fut finalement dur pour nous. Cela nous a amené à nous questionner sur le type de relation que nous avons pu entretenir avec l’équipe et les usagers pour que finalement nous soyons si attachées, nous même en tant qu’artistes médiatrices. 

II) L'artiste médiateur : quelles relations avec les soignants et les patients ? 
 

  • Créer un espace d’expression : prendre conscience de nos représentations.
La question des représentations et de la relation a été plutôt centrale dans ce projet à l’hôpital de jour de Gerland. En effet, elle est apparue dès le premier entretien que nous avons eu avec l’équipe soignante lorsque nous avons échangé avec eux de nos propositions pour les interventions à venir : nos représentations concernant les potentielles pathologies et profils de patients nous avaient fait imaginer au préalable qu’il serait peut-être difficile de leur proposer d’inclure des temps d’improvisation et de création. A ce sujet, non seulement les soignants nous ont rassurées, mais nous avons compris très vite pendant les séances que les patients étaient très demandeurs de liberté. Nous avions fait en sorte de créer un espace de sécurité, il n’était plus nécessaire de craindre de donner la place à des temps où ils pourraient décider de ce qu’ils avaient envie de faire : ils s’en sont emparés à chaque fois. 
 
  • Une vraie rencontre humaine avant toute chose : avoir confiance. 
La manière dont l’équipe soignante nous a accueillies au début à la fin de ce projet était révélatrice d’une vraie démarche de suivi et d’une volonté que tous les acteurs du projet puissent travailler ensemble. Nous ne nous attendions pas à être accueillies pour une première longue réunion avec une équipe soignante aussi nombreuse: sept ou huit personnes, dont des psychiatres, psychologues et infirmiers. Ce premier temps de rencontre a permis de créer une atmosphère de confiance, de nous rencontrer et d’échanger sur notre travail respectif et seulement ensuite de décider de ce que nous allions faire ensemble. L’idée était de connaître leurs envies et besoins, de s’ajuster à chacun pour penser un projet collectif.
Nous avons été très touchées par la volonté de dialogue de la structure et de la confiance qui nous était donnée d'emblée. Cette qualité de relation humaine nous a permis de nous impliquer et nous autoriser à essayer de nouvelles choses. Nous gardons avec nous cette idée d’un travail qui soit d’abord basé sur une rencontre puis d’une co-construction d’un projet de médiation. En tant que professionnel, grâce à ce type de démarche, nous pouvons arrêter d’être prestataire de service culturel et s'inscrire dans une véritable relation de médiation : une relation qui est à l’origine d’une démarche artistique unique.
 
  • Être à l’écoute pour que le projet ressemble à chaque personne.
De même, s’est installé un “jeu” d’ajustement entre nous et le groupe. La relation que nous avons instaurée avec les patients et soignants laissait place aux observations et aux dialogues, qui ont fait évoluer la physionomie de nos séances par petites touches chaque semaine. Ainsi, le squelette de nos séances était plus ou moins le même, mais les différents temps de la séance variaient en fonction des ressentis ou demandes des patients. De fait, cela a pu être possible grâce au temps de parole en fin de séances (sous forme de papiers où ils pouvaient écrire anonymement leur émotion actuelle) mais aussi grâce aux débriefs avec le duo d’infirmiers qui participait chaque semaine.
Effectivement, nous avions pris l’habitude de commencer les séances avec un temps de méditation en musique. La première fois, nous avons commencé par des méditations guidées sur un accompagnement joué à la harpe. Les retours ont été mitigés entre les personnes qui s’étaient senties bercées par le son de l’instrument, et ceux pour qui le volume était trop fort pour entendre la voix. Par la suite, nous avons cherché à faire évoluer ce moment de calme, en proposant par exemple aux personnes de mettre une musique sur laquelle nous allions entrer en silence. C’était marquant de voir la responsabilité qui incombait à celui qui appuyait sur play : “est-ce que tu es sûr que ce serait bien pour la méditation ?” demandaient d’autres patients.
Outre penser des bilans de fins de dispositifs, il s’agit de permettre aux personnes de pouvoir faire des retours pendant l’action de médiation. En effet, c’est bien parce que nous avons pu discuter avec les soignants et les patients de manière hebdomadaire que nous avons pu redessiner les contours de ce projet. 
 
  • Un espace où l’on peut être qui on veut.
De plus, ces échanges informels ont permis de faire évoluer les représentations que nous avions chacun sur les autres. De fait, nous ne savions ni pourquoi ils étaient là, ni depuis combien de temps, ni leur pathologie, ni à quel point ils étaient intégrés ou non dans la société. Et nous ne voulions pas le savoir. Cette forme de méconnaissance permet paradoxalement d’apprendre à connaître l’autre autrement. Dans cet espace, ils ont parfois eu l'air d’oublier qu’ils étaient malades. Si au fur et à mesure de cette action nous avons appris à connaître les patients, l’écart entre nos regards de musiciens et leurs regards de soignants s’est creusé. Cela a créé du “jeu” dans la représentation que les soignants pouvaient avoir sur certains patients. 
De fait, un jeune homme participait aux séances avec assiduité et proposait des musiques à faire écouter avec un volontarisme qui nous a motivé. Nous parlions de lui avec enthousiasme face à son implication dans le projet aux personnes soignantes, qui restaient surprises face à ce changement de comportement. “Ah bah il est comme ça avec vous?”
 Il était d’ailleurs délicat de se situer par rapport à ça… Nous sentions que le personnel soignant recevait quotidiennement la violence des patients, tandis que nous, nous arrivions pour un temps défini et semblions avoir le « beau rôle » puisque les patients ne nous montraient pas le même visage. Il est souvent arrivé que nous discutions de tel ou tel patient en ayant l’impression qu’il ne s’agissait pas de la même personne, pas de la même violence. 
 
  • Où se placer dans le respect de la relation soignant/patient déjà existante ?
Au regard de la relation soignant/soignant que nous avions pu observer, la question s’est posée de l’endroit où l’on devait se situer par rapport aux patients. Où est la limite ? Est-ce que nous devions avoir une position plutôt neutre ou laisser faire sans trop de barrières ? Les soignants vouvoyaient les patients et toutes les trois n’avons pas eu la même manière de les suivre à ce sujet. L’idée était dans tous les cas de ne pas creuser trop d’écart entre notre rôle d’artistes intervenantes et celui des soignants : nous ne vivions pas le quotidien et il semble que le fait que nous soyons étudiantes a facilité notre relation avec les patients, alors que celle-ci est beaucoup plus conflictuelle avec les soignants. Comment respecter cette réalité ?
De plus, la posture que nous avions adoptée a permis d’échanger dans une direction précise sans laisser forcément la place pour des discussions annexes. Il n’est pas aisé de trouver cette ligne de crête pour marcher et ne pas tomber dans l’ignorance de ce que peuvent être les personnes ou se laisser embarquer dans chaque histoire. Où est ce fil? 
Cet équilibre si éphémère dans la relation que nous pouvons entretenir avec les patients et les soignants nous interroge encore aujourd’hui. Nous nous investissons pendant plusieurs mois dans une action, mais qu’est-ce qui a changé ? Qu’est-ce qui nous interroge toujours ? 

III) L’après-médiation : que reste-t-il en nous ensuite?
 

  • Faire le bilan avec les équipes soignantes : décaler leurs regards sur les patients.
Une ou deux semaines après la restitution, nous nous sommes retrouvé avec les infirmiers et psychologues afin de faire un bilan, de discuter ensemble et de clore notre action. Toute l’équipe était présente, même des personnes que nous n'avions encore jamais vues étaient là. Ce qui nous a touchées et presque surprises, c’était de voir qu'ils étaient tous très au courant de ce qu’il s’était passé dans la globalité du projet, il y avait donc dû avoir un vrai partage entre eux. Nous avons eu de nombreux retours, notamment de la part d'une psychologue rencontrée lors du bilan de fin. Elle avait une certaine distance et un recul sur la situation du fait de son absence lors des séances. Les infirmiers étaient par groupe de deux, et s’alternaient d’une semaine à l’autre pour assister et participer aux séances, nous ne faisions d’ailleurs aucune différence entre eux et les patients. De ce fait, une relation particulière s'est instaurée dans le groupe. Ce n’était peut-être pas dans leurs habitudes de faire une activité sur le même « seuil d’égalité» que les soignants. 
Ce fut un bilan très positif. Nous étions ravies d’entendre les soignants dire que tel ou tel patient s’était complètement ouvert et qu’ils n’avaient jamais vu une facette aussi positive auparavant. Notamment par rapport à un patient en particulier, que les médecins qualifiaient comme quelqu’un d’un peu compliqué sur le plan relationnel : il se comportait différemment avec nous et cela a permi aux soignants de changer aussi leur point de vue par rapport aux patients lorsque ceux-ci se retrouvaient dans une situation nouvelle comme notre action. Par exemple, une patiente très discrète au début de l’action, s’est ensuite ouverte et nous a fait découvrir une très belle voix, elle avait “du coffre” comme disent les chanteurs. Elle participait activement et l’on sentait un réel intérêt et une sensibilité particulière. Lors du bilan de fin, nous avons eu l’idée de proposer aux soignants d’envisager des options possibles afin que cette patiente puisse, si elle le souhaite, entreprendre d’intégrer une chorale de circle song en dehors de l'hôpital. (Il s’agit de groupes de chant qui improvisent sans partition à l’aide de règles).
Nous ne savons pas actuellement si cette patiente a passé le pas et si elle fait aujourd’hui partie d’une chorale, il serait d’ailleurs sympathique de leur demander. Quoi qu’il en soit, nous voyons et constatons que ce genre d’action permet de révéler des choses qui n’ont pas  l'opportunité d’être découvertes ailleurs, et qui ont vu le jour chez des patients grâce à ces moments. C’est quelque chose de très satisfaisant et motivant pour nous en tant que “musiciennes médiatrices” ici, de voir des personnes en difficulté s’ouvrir et se faire plaisir lors de l’activité présentée. 
 
  • Comprendre l’enjeu du temps des actions pour rendre inclusives les actions de méditation. 
A l’inverse, nous avions eu lors des deux premières séances, une patiente avec laquelle il était très compliqué de travailler. Celle-ci étant hyperactive, nous avions du mal à l’intégrer facilement aux activités car elle avait du mal à tenir en place, et de plus, nous remarquons qu’il était aussi difficile pour les autres patients de garder leur calme vis-à-vis d’elle. Les infirmiers essayaient de la canaliser mais cela était difficile. Ils ont alors pris la décision de l’exclure totalement du projet. 
Cela nous a amené à nous poser la question du temps de l’action proposée. Ici, nous avions un format de deux heures, alors qu’une heure trente suffisait. Après ce temps-là, nous perdions la concentration des patients.
Nous avions émis l’idée à l’équipe lors du bilan de fin, qu’il serait peut-être intéressant d’envisager des séances plus courtes pour cette patiente, et qu’il y aurait sûrement d'autres personnes dans la même situation. Par exemple, une séance de trente minutes maximum aurait été envisageable avec elle. Après cette durée, il était presque au-dessus de ses forces de rester concentrée et présente au groupe et à l’activité. Alors comment organiser cela ? Est ce vraiment possible ? Il est souvent difficile de faire venir un intervenant pour seulement trente minutes, par rapport notamment aux déplacements et à sa rémunération. En effet, il y a un réel souci budgétaire pour ces institutions. Même si des aides sont disponibles pour aider ce type de structures à entreprendre des dispositifs tel que le nôtre, le budget reste limité. 
 
  • Interroger le bénévolat dans les actions de médiations pour pérenniser ces dernières. 
En effet, les structures comme les hôpitaux ont un budget culturel à l’année. Celui-ci est peu élevé. Cependant il existe des appels à projets “Culture à l'hôpital" dans l’objectif de favoriser l’émergence d’une politique culturelle au sein des établissements de santé et de développer les partenariats avec des structures artistiques et culturelles professionnelles au bénéfice des patients, de leur entourage et de l’ensemble des personnels soignants. 
Pour notre action, nous étions dans le cadre de notre formation au CEFEDEM, donc encore sous le statut d’étudiantes en vue d’obtenir notre Diplôme d’Etat de musicienne-enseignante. Ce statut-là d’étudiantes nous a mis dans une position où la question d’une éventuelle rémunération ne s’est pas présentée. Nous avons quand même passé de nombreuses heures sur place, huit séances de deux heures, ainsi que le travail en amont entre les séances. Par ailleurs, aucune proposition de prise en charge des frais de déplacements n’a été envisagée. Nous nous sommes longuement demandé si cela était normal, car malgré le fait d’être étudiante et d’être dans le cadre d’une action de médiation du CEFEDEM, nous avions proposé une action professionnelle et celle-ci serait, en temps normal, rémunérée. Si les structures peuvent bénéficier régulièrement d’actions gratuites comme celle-ci, nous venons à nous questionner sur la légitimité du réel métier d’artiste médiateur et sur sa pérennité. 
  • Quels liens pouvons nous faire en tant qu’artiste-enseignant avec nos postes en structure d’enseignement spécialisé ?
Au regard des retours très positifs et des bienfaits de cette action, nous nous sommes alors demandé si des dispositifs comme celui-ci n'auraient pas leur place en école de musique. En effet, nous avons été surprises de voir qu’en peu de séances, nous avions réussi à monter et enregistrer un morceau à plusieurs. Un dispositif qui mélange les personnes entre elles, qui permet de partager, d’échanger, de faire jaillir des idées différentes de par les caractères du groupe. De plus cela permet l’opportunité de travailler en équipe, de créer, de se rencontrer, de faire de la musique. Ne serait-il pas envisageable d’avoir ce type de dispositif en école de musique ? Avec des thèmes différents à aborder pour chaque dispositif, à durée déterminée afin d’avoir une date buttoire de rendu de projet. 
En effet, de voir qu’en peu de séance, un projet comme celui-ci peut aboutir, nous fait nous questionner sur les temps que les choses peuvent prendre à émerger dans les écoles. De fait, dans l’imaginaire collectif apprendre la musique relève de processus longs d’appropriation. Cette action de médiation nous a permis de prendre du recul par rapport à cette vision de l’apprentissage qui serait linéaire et laborieux. Si ce projet nous a permis de sortir de notre zone de confort, cela nous permet d’être dans une position différente de celle dont nous avons l'habitude en tant que professeur que nous revenons à nos cours traditionnels, nous en revenons changées. 

Dans cet article, nous avons essayé de raconter ce projet dans un service de soin psychiatrique, en montrant nos tâtonnements et les interrogations qui en sont nées. Si nous avons pu appréhender une nouvelle posture en tant qu'artiste-médiateur, notre vision de l’enseignement a sûrement évoluée. Le temps, l’objet du cours, la représentation de nos élèves, les relations que l’on entretient avec eux, nous l'apprécions sous une nouvelle forme dans ces actions de médiations. Il s’agit de penser la porosité du métier d’artiste pour continuer de questionner nos pratiques et de rester en mouvement.

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