Pratiques Sociales de Référence : un outil pour s'interroger sur les pratiques scolaires

 

 

les pratiques sociales de référence

Les origines du concept 

Le concept de pratique social de référence fut élaboré par la recherche en didactique, pour la construction des enseignements, sous la houlette de Jean-Louis Martinand, dans les années 1980. A l’origine de cette notion, il y a une étude de l’enseignement de la technologie au collège qui, depuis les années 1960, avait fortement évolué. Il s’est posé la question de « quelle valeur ont hors de l’école les activités et les apprentissages dans les différentes matières? ».  Pour lui, le concept de référence vise à poser la question des écarts toujours présents entre ce qui se fait « à l’école » et ce qui se fait dans le monde « extérieur » du travail, de la famille, des loisirs ou le monde « juvénile », afin que les activités aient une signification hors de l’école. (Il était passé d’un enseignement divisé en exercices systématiques de dessin technique à un enseignement axé sur des domaines d’activités scientifiques et techniques tels que la photographie, l’électronique, avec la réalisation d’objets techniques.) Le concept de pratique sociale de référence lui fournit un outil pour questionner les activités scolaires en les comparant avec les réalités qu’elles voulaient faire découvrir. L’idée de référence consistait à localiser les concordances et les différences entre deux situations, dont l’une (la pratique industrielle par exemple), était l’objet de l’enseignement, et possédait une cohérence qui devait être transposée dans l’école. 

Définition

La notion de Pratique sociale de Référence a été proposée aux troisièmes Journées Internationales sur l’Education Scientifique (1981) sous l’intitulé "Pratiques sociales de référence et compétences techniques". Elle est présentée dans l’ouvrage de 1986, « Connaître et transformer la matière » de Jean Louis Martinand

L’auteur distingue trois aspects qui permettent de caractériser une pratique sociale de référence :

  • Ce sont des activités objectives de transformation d'un donné naturel ou humain («pratique »)
  • Elles concernent l'ensemble d'un secteur social, et non des rôles individuels (« social ») 
  • L'auteur précise que la relation avec les activités didactiques n'est pas d'identité, il y a seulement terme de comparaison (« référence »).  

Jean-Louis Martinand désigne ainsi toutes les situations sociales, vécues, connues ou imaginées, auxquelles peut se référer un élève pour donner du sens à ce qu'il apprend, et à l’enseignant de donner du sens à ce qu’il enseigne. La réalité vécue, ou au moins imaginable, cognitivement et affectivement, par l'élève, lui permet d'appréhender les connaissances en les mettant en relation avec des pratiques familiales, professionnelles, culturelles, etc., qui lui sont plus familières. Les pratiques réelles ne constituent pas le but de la formation, mais s’imposent comme terme de comparaison, de référence fondamentale.

Quelques exemples de pratiques sociales de référence dans l’enseignement:

  • La productivité d’un écosystème peut être envisager du point de vue de :

          - l’agriculture (unités fourragères, nombre de litres de lait...)

          - de l’élévage (nombre de brebis/ha/an)

          - de l’exploitation forestière etc.

  • En classe d’Histoire, la pratique sociale de référence peut être:

          - celle du metteur en scène 

          - celle du journaliste

          - celle de l’archéologue

          - celle du guide ...

  • En EPS

Voci un document montrant comment une pratique sociale de référence, à savoir la gymnastique sportive de compétition, peut guider une pratique scolaire, en l’occurence un cours d’éducation physique et sportive au collège. http://ww3.ac-poitiers.fr/eps/apsa/gym_rpg/transpo.htm

 

« Les PSR mettent en œuvre une même notion scientifique pour parvenir à une formulation diversifiée des concepts » - Philippe Roqueplo, « penser la technique », Paris, Le Seuil, 1983-

On peut dire aussi qu’un métier peut aiguiller sur une approche particulière, et chaque métier peut être une porte d’entrée différente sur une même notion.

La transposition didactique

Au début des années 1980, sensiblement à la même époque que la naissance des pratiques sociales de référence, le mathématicien Yves Chevallard introduisit dans la didactique la notion de transposition didactique. On a souvent opposé les deux concepts alors qu’ils sont fondamentalement distincts, étant nés dans des didactiques disciplinaires différentes (technologie et mathématiques). En fait ils coexistent et peuvent être considérés comme complémentaires. La transposition didactique ne s’intéresse qu’au savoir, et plus précisément au savoir savant. Car selon Chevallard, le savoir enseigné à l’école est issu exclusivement du savoir savant. Pour Martinand, la construction des contenus d’enseignement ne saurait s’en tenir à une simple réduction descendante d’un savoir universitaire survalorisé. Il existe en effet une grande variété de pratiques sociales, la recherche n’étant qu’une pratique de référence parmi d’autres. En fait, transposition didactique et pratiques sociales de référence sont complémentaires si l’on s’interroge sur la construction des savoirs. Par exemple, un exercice de trigonométrie proposé à des collégiens pourra être envisagé strictement dans son contenu mathématique, mais aussi dans sa signification sociale qui le fera apparaître comme un vestige de l’enseignement des pratiques d’arpentage. Nous venons de constater l’aspect primordial de la nature du savoir pour la transposition didactique. Par contre, si l’on se penche sur les pratiques sociales de référence, les rôles sociaux et les pratiques ont la même importance que la nature du savoir. Cette tension entre savoir et pratique sociale est encore débattue à l’heure actuelle. 

On peut schématiser le processus de TD ainsi :


 

- Des savoirs savant vers les savoirs à enseigner c’est la Transposition didactique externe . Elle est réglée par ce qu’il appelle du «nom parodique de noosphère», litt. «la sphère où l’on pense». La noosphère est donc l’ensemble des personnes qui pensent les contenus d’enseignement : les universitaires qui s’intéressent aux problèmes d’enseignement, les représentants du système d’enseignement (le président d’une association d’enseignants par ex.), les auteurs de manuels, les inspecteurs scolaires, les représentants de la société – le président d’une association de parents d’élèves) et les représentants du monde politique (le ministre de l’instruction publique, son ou ses chefs de service—.

- La deuxième étape, qui consiste à adapter et transformer les savoir à enseigner, tel qu’ils apparaissent dans les programmes et les manuels, et par voie de conséquence les savoirs savants dont ils sont issus, en savoirs enseignés, est appelée transposition didactique interne, car elle est le fait des enseignants et de leurs pratiques dans les classes.

Video transposition didactique

Problématisation dans le champs de l'apprentissage et de la pratique en musique

Adrien Bourg dans un article numérique paru sur "Education & didactique"(https://journals.openedition.org/educationdidactique/264) nous fait remarquer la "relative nouveauté de la didactique de la musique au sein des différentes didactiques disciplinaires"

L'auteur souligne également que la transposition didactique de Chevallard et la notion de pratique de référence de Martinand "constituent une réaction vive contre,... les idéologies encore persistantes sur le don en musique (qui ont constitué un obstacle au développement de la recherche en ce domaine)".

Adrien Bourg précise: "Pour plusieurs disciplines en effet, comme en musique, les savoirs en acte" construits par l'expérience prédominent sur les connaissances explicitées dans des textes". (article dans Eduquer-former n°43, 2012) http://eduquer-former.icp.fr/?journal=ef&page=article&op=viewFile&path[]=5&path[]=5

Pascal Terrien nous dit dans son article, "de la musique à l'enseignement: la transpostion didactique" la revue du conservatoirenous dit: "la transpostion didactique était adaptée aux disciplines universitaires et scolaires issues des savoirs théoriques 'savants", mais qu'en était-il des disciplines professionnelles, celles liées aux métiers?"

Suite aux travaux de Michel develay il s'en suit un autre schema pour la transposition didactique:

Nous pouvons neamoins citer quelques exemples liés au cours de musique:

- on peut envisager le travail autour du son sous l'angle de l'ingénieur du son, de l'electro-acousticien, du compositeur, de l'orchestre, du producteur,etc...

- envisager le cours d'éducation musicale en collège sous l'angle de la pratique instrumentale, de l'écoute, de l'historien de la musique. 

- envisager la composition sous l'angle du compositeur de musique de film, de musique pour orchestre symphonique, de musique rock, de musique de théâtre. 

Sylvain Jacques à propos de l'écriture musicale pour le théâtre: 

https://www.youtube.com/watch?v=PEJbrveAmXQ

 

Dans son article sur les "pratiques sociales des élèves et les pratiques sociales des enseignants" Fernando Segui souligne les tensions entre apprentissages et

pratiques sociales de référence.

Il cite Michel Develay: "Il convient de toujours se souvenir que les élèves vivent un certain rapport au savoir dans leur milieu familial avant d'être en contact

avec le savoir scolaire". 

Cette tension entre les références de l'enseignant et celles des élèves met à jour la crainte d'une démarche démagogique. Référence ou révérence?

Par exemple un professeur de FM qui fait une dictée avec instrument ou en choisissant un rap comme support ne ferait que changer le style sans changer les procédures. 

Comme le dit Fernando Segui toute la difficulté du professeur est de permettre "aux élèves de faire le lien entre ces pratiques sociales de référence et les objets

artistiques apportés par l'enseignant". 

 

Bibliographie raisonnée

"la formation des maîtres se veut aujourd'hui moins prescritive que réflexive et critique. en français, les formateurs s'efforcent de mettre en perspective, de questionner, d'analyser les pratriques d'enseignement de la langue et de ses usages. La référence à des pratiques sociales de communication est une des voies qu'emprunte cette mise en perspective. Ainsi par exemple, les formateurs font-ils référence à l'écriture littéraire, à l'oral et à l'écrit dans les medias. il n'est pas rare que des modules de formation donnent lieu à des collaborations avec des écrivains, des journalistes."

page1image1086953776"Dans la plupart des cas, les apprentissages de la musique reposent sur une pratique instrumentale par l’immersion de l’apprenant dans un environnement artistique de son choix où s’entrecroisent pratiques musicales et pratiques sociales.

"Cet article est une contribution au développement d’un champ de recherche peu connu, celui de la didactique de la musique, dans le cadre d’une perspective comparatiste."

S. Joshua s'interroge:"Martinand (1986) est à l’origine de l’insistance sur la variété des pratiques sociales de référence possibles comme point de départ d’une transposition. Mais est-on bien sûr que ce soient bien des pratiques qui soient alors transposées ?"

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