Engager les élèves dans leur apprentissage, pas si facile !

Nous sommes quatre professeurs d’instrument (trompette, flûte traversière, guitare et multi-instruments en musiques actuelles amplifiées). Dans toutes nos expériences d’enseignement, nous nous retrouvons devant différents élèves qui ne réagissent pas tous de la même façon par rapport à notre pédagogie. En effet, si certains « accrochent » et s’inscrivent bien dans la démarche d’apprentissage qu’on leur propose, d’autres paraissent moins motivés, moins impliqués, et se retrouvent dans une attitude de passivité.

Pour comprendre cette attitude, Il nous a alors semblé semble nécessaire et utile d‘adopter le point de vue de l’élève :

– Qu’est-ce qui me motive et qu’est-ce qui ne me motive pas dans ce cours musical ? – Ou plutôt, qu’est-ce qui me plaît, me donne envie de m’investir, me stimule et qu’est-ce qui m’intéresse moins ou pas du tout ? – Qu’est ce que je fais là ? Pourquoi j’ai choisi cet instrument et pas un autre ? – Pourquoi je fais ça ? A quoi est-ce que ça va m’amener ? A quoi ça va me servir ? – Y a t-il des choses qui pourraient me donner envie de m’impliquer ? – Qu’est-ce-qu’apprendre ? Et qu’est ce que ça implique comme effort ? – Ce cours va-t-il me donner la possibilité de jouer comme Bireli Lagrène ? ou Daft Punk ? Pourquoi le prof ne m’apprend pas à jouer Europa de Santana ?

Après s’être placés du côté de nos élèves, nous nous sommes interrogés sur le « manque » ressenti par chacun de nous à l’intérieur de nos cours.

Pour Sébastien, le professeur de trompette, les élèves ne cherchent pas à apprendre à apprendre, ils ne sont pas assez chercheurs.

Pour Romain, le professeur multi-instrumentiste, ils ne sont pas intéressés (ils sont distraits, non motivés).

Pour Roberto, le professeur de flûte traversière, ils ne comprennent pas le sens et la valeur du travail.

Et pour Tiziano, le professeur de guitare, ils sont passifs vis-à-vis du cours.

Par ces quatre constats, nous avons donc eu l’impression que les élèves avaient du mal à donner du sens et de la direction à leur apprentissage. L’élève ne sait pas forcément ce qu’il veut ou ce qu’il attend en venant en cours. Pourtant, il nous semble, d’après nos observations, que leur questionnement révèle un réel besoin de sens et de direction à donner dans chacune de leurs actions d’apprentissage. C’est donc, d’après nous l’élément moteur qui peut les inciter à s’impliquer.

Dans le cas où l’élève ne semble pas acteur de son apprentissage, il paraît en quelque sorte « subir » le cours. Cette situation peut évoluer si l’élève trouve cette envie de s’impliquer dans l’apprentissage de son instrument, s’il trouve un facteur de motivation. Ce facteur doit être suffisamment puissant pour dépasser simplement une motivation ponctuelle. Il s’agit ici de l’engager dans un processus d’apprentissage à long terme. La discussion entre professeur et élève apparaît alors comme primordiale tout au long de l’apprentissage, afin de cerner les envies et les attentes de l’apprenant. Le professeur doit être au service de l’élève et non l’inverse. D'une manière générale, il faudra bien veiller à être à l’écoute de ses envies et attentes afin de proposer un contenu qui lui corresponde. Cette adéquation entre attentes et contenus proposés devrait alors l’inciter à s’impliquer complètement (exemple : apprendre à jouer dans le style d’un musicien apprécié, apprendre à jouer dans un genre musical que l’élève aime tout particulièrement…). Et pourtant, avec certains élèves, le fait de proposer un contenu musical qui corresponde à leurs envies ne suffit pas à les motiver, et donc à les impliquer.

Quels sont les autres facteurs de motivation ? Quels autres outils avons-nous réellement pour impliquer les élèves ?

Même si le contenu proposé est en adéquation avec leurs attentes, les élèves doivent ensuite avoir envie de s’investir et implicitement accepter de fournir les efforts nécessaires pour apprendre, aussi bien en cours que lors du travail personnel à la maison. La façon d’apprendre devient donc également prépondérante pour susciter cette implication et cette motivation. Elle doit être, elle aussi, construite ensemble et petit-à-petit entre l’élève et son professeur. Mais si cette construction implique le professeur, l’implication de l’élève est l’élément essentiel nécessaire à ce que nous pouvons alors appeler co-construction. Nous avons cependant constaté que beaucoup d’entre eux étaient trop passifs dans ce schéma. Et c’est ici que le mot implication prend alors le plus de sens.

L’objectif de notre recherche collective était donc de creuser les différentes possibilités que nous avons en tant qu’enseignant pour construire, ensemble avec nos élèves, des façons d’apprendre qui leur permettraient de mettre du sens et de la direction dans leur apprentissage, afin qu’ils s’en saisissent et qu’ils s’impliquent complètement dans celui-ci. Nous nous sommes  alors focalisés sur la façon dont le savoir se construit chez l’apprenant, en interrogeant les différentes étapes du processus d’apprentissage, d’une manière générale puis plus spécifiquement dans l’enseignement de la musique. Le but étant pour nous de proposer à nos élèves des contenus ou manières d’apprendre qui leur permettent de s’engager réellement dans cet apprentissage d’un instrument de musique.

D'après nos différentes lectures et nos recherche-actions sur le terrain, nous formulons ici quelques propositions qui nous semblent favorables à l’instauration de cette démarche de co-construction de sens avec nos élèves.

Il est nécessaire pour impliquer l’élève dans son apprentissage de s’appuyer sur sa curiosité et de susciter une attitude de questionnement permanent par rapport aux savoirs. Il convient de l’installer dans une position de recherche pour construire à partir de ses attentes son savoir et ses savoir-faire. En quelque sorte, il s’agit de lui « apprendre à apprendre » par lui-même, afin qu’il puisse se construire en tant que musicien. Nous pouvons résumer cette proposition avec des termes fréquemment utilisés dans les recherches sur la pédagogie et les sciences sociales comme « mettre l’élève au cœur de son apprentissage » ou encore « le rendre acteur de son apprentissage ». 

Au centre de cette démarche se trouve la construction de sens, aussi bien en termes de signification que de direction, mais aussi comme quelque chose de sensitif, qu’il peut ressentir. Nous sommes persuadés que cette recherche de sens peut permettre aux élèves de mieux comprendre les savoirs qu’ils apprennent. En d’autres termes, il faut donner du « sens au sens ».

Voici deux propositions, plus concrètes, de dispositifs pédagogiques possibles qui pourraient nous permettre de mettre cette recherche de sens au cœur de notre enseignement :

la pédagogie de projet /apprendre en projet/ ou, plus largement, le développement de projets pédagogiques en collaboration avec les élèves nous paraît être un bon outil.

– l’autoévaluation et la métacognition pour provoquer un regard réflexif de l’élève sur les savoirs et la manière dont il les apprend ou les a appris. 

 

Pour pouvoir expérimenter puis mener à bien ces différents propositions, plusieurs questions sont venus nourrir notre réflexion et alimenter le débat entre nous : – Doit-on être soutenus par les structures dans lesquelles nous travaillons pour instaurer dans nos classes ces différentes formes de pédagogies ? – Est-il plus facile de travailler en collaboration avec une équipe pédagogique dynamique ou peut-on agir seul comme un électron libre ? – Quels impacts peuvent avoir nos actions sur nos différentes structures d’enseignement? – Par ailleurs, nous formons des futurs musiciens et nous leur donnons très peu d’informations sur le monde de la musique et les réalités de cet univers si particulier. En quoi mieux le connaître par un apprentissage adapté pourrait leur permettre de devenir des musiciens mieux préparés ?

Nos différentes recherches documentaires sur la construction du savoir nous ont amené à nous placer de différentes manières dans le rapport enseignant – élèves ou autrement appelé le processus enseigner – apprendre. Si au départ nous étions plutôt focalisés sur le processus enseigner, c’est à dire comment enseigner à un élève dans un axe traditionnel de transmission des savoirs, nous nous sommes vite rendus compte que le processus apprendre était à la fois primordial et complexe.

Pour pouvoir apprendre un savoir, un apprenant doit modifier son répertoire cognitif organisé en réseaux de connaissances. De nombreux textes de références  mettent en lumière ce fonctionnement de l’enfant et la façon dont il a besoin de comprendre et de donner du sens à ce qu’il apprend pour qu’il puisse opérer cette modification et qu’il y ait réellement un apprentissage et une construction de savoir.

Nos différentes propositions ne sont pas des méthodes « clés en main » mais plutôt des axes de réflexion dans la manière d’enseigner qui prennent en compte les besoins et le fonctionnement de l’enfant, de l’élève ou de l’apprenant. En installant cette posture, nous devrions parvenir à nous rapprocher de ce qui nous manque encore trop souvent dans nos cours : des élèves acteurs de leur apprentissage, en tout cas actifs dans leur manière d’apprendre et de construire leurs savoirs.

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